Il y a une vingtaine d'années, m'a interpelé un passage du Crépuscule des idoles où Nietzsche s'écrie: "je crains bien que nous ne nous débarrassions jamais de Dieu, puisque nous croyons encore à la grammaire". Suite à ce constat, il semble difficile d'écrire ou de lire un texte philosophique sans se demander quel part de l'argument relève du simple artefact de l'enchaînement des arguments, quel part de l'écrit a servi à coller les morceaux, et quelle part d'arbitraire il y a dans leur ordre de précédence, c'est-à-dire dans la mise en relation des causes et des effets, des conclusions et des prémisses. Cet inconfort m'a mené à chercher une manière de désérialiser la pensée.
Le concept du Wiki m'a donné une solution. J'ai adapté une application serveur open source à mes besoins et je me suis mis à écrire, concept par concept, en m'efforçant, dans chaque texte, de lier autant de notions qu'il me paraissait nécessaire à leur propre entrée. J'ai nommé le projet WikiTractatus en pensant au Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein, premier texte philosophique tombé entre mes mains, il y a des années, qui systématisait son propos d'une manière qui permettait, voir exigeait, une lecture non-linéaire.
N'importe quel mot sert de point d'entrée au Wikitractatus. Tu peux commencer par exemple par « azoth ». Le WikiTractatus peut être lu dans n'importe quel sens, comme un poème dont tu es le héros. Son propos et processuel et contextuel. Il est produit par la déambulation du lecteur, à l'instar du sens d'un territoire. Le sens du Wikitractatus n'est que le produit d'un cheminement au travers de termes intermédiaires mis en relation. Il n'est pas nécessaire ni prévu que le lecteur visite toutes les entrées. Il lui suffit de suivre les liens, mot par mot, en se laissant guider par son doute.
Le WikiTractatus est enfin un processus d'écriture. Il est constamment modifié et ses notions ne sont pas moins transitoires que le passage de leur lecteur.
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