Engendrer ne veut pas forcément dire aimer. Les jeunes dragons du Komodo vivent dans les arbres pour échapper à l’appétit cannibale de leurs parents. Ils ne descendent sur terre qu’une fois devenus trop lourds pour chasser des insectes parmi les branches.
Il y a du périlleux dans la position ontologique du géniteur, sans qu’il ne doive ou même ne puisse s’y soustraire. Car il ne suffit pas de donner un enfant au monde ; il faut aussi donner un monde à l’enfant.
La difficulté vient du fait que seule une chose peut être donnée, et que le monde n’est pas une chose. Ainsi, tu ne peux offrir qu’un cosmos à l’enfant, et t’attendre à être craint puis fui, comme un père quelconque. Si tu ne donnes rien tu seras haï par ton enfant. Si tu donnes un cosmos, on essaiera de te fabriquer une gueule d’Abraham. À toi de donner un cosmos qui puisse devenir monde, gardant le secret de la transformation au creux de ton ventre, comme un fruit dont tu es le terreau consentant.