Le verbe habiter, en français, est à la fois transitif et intransitif : tu peux habiter une chose et tu peux habiter dans une chose.
Habiter une chose, cela veut dire y déposer une part de toi-même, au point où tu fais partie d’elle et qu’elle fait partie de toi. Comme lorsque tu habites un appartement où tu rentres chaque soir et que tu habiteras encore si tu le quittes et que quelqu’un que tu connaissais y demeure. Le conjoint défunt du vieillard habite encore les bibelots emportés dans la maison de retraite.
Habiter dans une chose veut dire se penser comme entièrement contenu par elle. Ou encore de se projeter tout entier dans cette chose, comme lorsque tu marques d’une épingle sur la carte le lieu où tu te trouves. La carte fait partie des choses dans lesquelles nous pouvons habiter. En partageant une même carte, nous cohabitons, nous sommes ensemble dans un contenant qui nous permet de dire « nous ».
Mais derrière chaque carte demeure un environnement avec lequel un je entre en relation, ainsi qu’un tu qui fait de même, un nous, un vous, un il dont je dessine la position. En habitant dans la carte, nous cohabitons un espace.
— La conscience d’habiter, dirait peut-être Husserl, est une conscience de quelque chose.