1.
La maison n’est pas un lieu où l’on retourne, elle est un véhicule comme un autre qui traverse l’espace-temps.
2.
Nous connûmes tous des grands-parents, des oncles ou des amis de la famille, du moins, qui possédaient une maison rien qu’à eux où ils nous invitaient, donc, nos parents et frères, notre petit troupeau au complet arrivant content et jaloux un peu, prêt à médire dès le départ, quand les autres salueraient encore sur le quai, avec leurs mains qui remuent et leurs gueules d’au revoir. Tu te souviens de ces maisons-là ? Et pourquoi t’en souviens-tu ? Parce que c’étaient les vacances ? Non, par ce que c’étaient des maisons. C’est-à-dire des espaces structurés avec leurs greniers, leurs jardins, leurs caves justement, un espace distinct pour chaque état d’âme, pour chaque aspect de toi. Et pourtant tout ça tenait ensemble, constituait une unité, comme toi-même tiens dans l’individu que tu es.
Tu es pluriel, composé de parties complètement dissociées qui ne se comprennent pas. Toutes les maisons ne sont pas harmonieuses, loin de là. Mais tout ça tient quand même ensemble. C’est übersichtlich, comme disent les Allemands. Ou alors on se dit qu’on peut bien finir d’en faire le tour. Alors te voilà, le grenier et tes chimères. La cuisine, le salon, ton quotidien. Le jardin ce modèle du monde à ta mesure. La chambre à coucher ton intimité qui n’a d’intime que le fait qu’on n’en connaît pas les détails ; tu conviendras qu’on s’imagine facilement l’intimité d’une chambre à coucher. Moins celle du grenier, et moins celle encore de la cave. La cave collecte l’inconscient.
3.
— You said you were the best, chante Shawn Marshall, but then there were the kids, then you would recall the deadly houses you grew up in. Just because they knew your name doesn’t mean they know from where you came, what a sad trick, you thought, you play, but I don’t blame you.
La maison hantée revient trop souvent dans les contes pour être une figure du hasard. Peut-être n’est elle que la maison familiale, pleine d’espoirs et de démons, à laquelle il faut retourner parfois. Les vivants y côtoient les morts. Tu te demandes d’ailleurs si certains vivants ne font pas déjà partie des morts.