L’âme est le mouvement dont s’anime l’un, se portant hors de soi.
Elle est ce par quoi l’un se permet de se voir juste assez pour que je puisse dire « moi ».
L’âme est l’enfant du rêve, un soi capable d’échapper au ici et maintenant du corps.
— L’inanimé, dit le Phèdre, est tout ce qui est mû par une pulsion extérieure, mais l’animal est mû d’un mouvement intérieur et propre ; car telle est l’animalité et la force de l’âme ; et si celle-ci est la seule à pouvoir se mettre en mouvement, elle ne peut pas naître, et est donc éternelle.
— Et dans quoi le mouvement de l’âme se déploie-t-il ?
— Dans l’infini.
— Mais une âme éternelle ne remplit-elle pas déjà la totalité de l’infini. Ayant eu le temps d’être partout, où, dans l’infini, peut-elle encore se mouvoir ?
— Là où elle a déjà été.
— Alors elle tourne en rond.
— Peut-être.
— Et comment les âmes, s’il y en a plusieurs, agissent-elles l’une sur l’autre, alors que chacune ne se meut que par elle-même ?
— Tu as raison. Il ne peut y avoir qu’une seule âme. Les êtres singuliers sont les canaux de passage de son mouvement.
— Alors l’âme agit-elle sur elle-même ?
— Sans doute.
— Pour agir ainsi, pourtant, la part d’elle-même sur laquelle elle agit doit être séparée d’elle-même. Sinon il n’y a pas sur quoi agir, seulement ce qui agit. Dans ce cas, il n’y a action de l’âme que lorsqu’elle devient étrangère à elle-même. Et la part qui est restée elle-même est mue par une force extérieure.
— Et ce n’est plus une âme, je crains.
— Non, c’est toujours aussi l’autre.