L’authenticité est un concept foncièrement réactionnaire ou névrotique, voire les deux à la fois.
Demander l’authenticité des objets — vêtements, tables, pots, plats cuisinés — c’est oublier qu’il n’y a jamais eu de tradition. C’est ériger ses souvenirs d’enfance en éternité. Oublier que les plats nationaux d’Europe comprenant des patates se basent sur une plante récemment importée de l’Amérique du Sud.
L’authenticité, c’est la névrose de Pétrarque au sommet du Mont Ventoux qui, au lieu de se réjouir de l’extase du paysage, se morfond de ne pas être entièrement soi-même.
L’authenticité, c’est Augustin, évêque d’Hippone, qui rêve d’être un point, plutôt que d’être une ligne ou un carré, car le point serait indivisible.
Une vraie tragédie tient dans cette obsession d’être soi. On la remâche dans les abajoues ; on la transforme en injonction à l’identité.
Authentique condescendance du regard du touriste sur le chaman fumant des cigarettes industrielles. On est le premier à pleurer l’acculturation.
Des armées d’idiots se déversent sur la terre chaque jour pour dire à qui veut l’entendre, ce que cela veut dire, que d’être soi, que d’être authentique.