1.
L’extension médiatique du champ de l’expérience est rachetée au prix d’un morcellement de l’expérience. En ramenant le monde en un point — ta demeure, par exemple — les médias annihilent le temps et l’espace, c’est-à-dire, l’ancrage possible de l’expérience. Ils augmentent ton étendue en dispersant tes morceaux. Tu deviens multimédial.
En temps de transformation, les médias peuvent devenir l’organe de respiration d’une révolte. En temps de paix, ils forment une armée de tourneurs en dérision et de remetteurs à l’ordre.
Dans les deux cas, le média est la voie du pouvoir : de celui qui se construit ou de celui qui se maintient. Aristote demandait : « qui peut être le général d’une telle multitude, ou qui le héraut, si sa voix n’est pas celle d’un Sténtôr » ? Les médias répondent, « n’importe qui, pourvu qu’il nous excite ».
La seule manière de ne pas subir le pouvoir des média est de les peupler de la multitude de nos voix ; en d’autres termes, en y prenant part, c’est-à-dire en les dotant de plus de pouvoir.
— Il suffit de changer direction, dit le chat de Kafka à la souris qu’il poursuit.
La souris tourne et le chat la dévore.
2.
Les média sociaux sont à même de produire la parole, mais le souffle de cette parole est trop diffus, hélas, trop gros pour passer à travers les lèvres du lecteur. Ne souffle, comme le lecteur, que ce qui, comme lui, respire dans l’horizon de la mort. Seule la parole de l’auteur partage un tel souffle.