Le pouvoir de la doxa, cette écrasante connivence, augmente avec la taille des groupes humains réunis autour d’un fait commun.
Ce qui constitue la doxa dépend du contexte. Il est donné à n’importe qui d’agir en révolutionnaire deux villages plus loin, même de subir le martyre pour ses idées. Dans ce sens, de nombreux détracteurs sont d’abord des déplacés. Les changements pour lesquels ils se battent ne sont pas inspirés d’un sens profond de la justice ; il s’agit plutôt de mises en adéquation entre leur contexte d’origine et leur contexte d’arrivée. Loin d’opérer des ruptures dans le temps que l’on aime se représenter comme les marches de l’histoire, ils œvrent à l’harmonie des diverses échelles de la doxa. Ils sont, pour ainsi dire, des militants de circonstance.
Leur expansion — à savoir l’harmonie dont ils se font commis — présuppose cependant des fausses notes, des ruptures, des appels du vide des territoires à conquérir. Ces trous noirs sont les seuls et véritables moteurs du Kairos. Ils se forment par exemple lorsque, par ennui, tu te mets à contredire le babillage de tes proches.