Par étymologie, l’intelligence relève de l’art de discerner, de distinguer et de séparer le monde en faits individuels, puis de les réassembler d’une manière qui fait sens.
L’intelligence n’est pas la propriété d’un individu, mais l’organisation émergente de la relation entre l’individu et son environnement. Même un rocher, pourtant sourd, participe à cette émergence par sa structure spécifique, par exemple par sa disponibilité à servir, ou non, d’outil.
Il arrive — chez l’espèce humaine, par exemple — que l’émergence de l’intelligence s’accompagne de celle du langage, qui structure une relation collective à l’environnement. Le langage est une intelligence artificielle collective. Le langage accélère en outre l’organisation de l’intelligence individuelle : en héritant de mots pour désigner les choses, l’enfant établit plus prestement une relation avec elles. Le défaut du langage, de ce point de vue, est bien sûr que les mots cachent les choses qu’ils ne nomment pas (une chose que personne ne nomme n’accède même pas au statut de chose), et qu’aller plus vite veut toujours dire passer à côté de choses. Tout artifice de l’intelligence impose son lot de points aveugles.
Du point de vue de l’efficience et de la stabilité mentale, l’intelligence revient souvent à l’aptitude à ne pas se poser certaines questions.
