Il est des chaînes de fer, des chaînes de montagne et de chaînes de télévision. Toutes confinent et tintent d’un écho de capture, tout en miroitant l’espoir de se hisser quelque part.
Une chaîne nommée scala naturae (littéralement l’échelle de le nature) connectait jadis les divers degrés de l’existence et se perdait dans les nuages. Elle traversait les orbites des planètes et du soleil du système géocentrique, tendue de nos rochers jusqu’à la cheville de Dieu dans l’Empyrée. Les indiscrets murmuraient que Satan, caché sous Terre, tenait l’autre bout de la chaine dans sa main reptile. Chaque maillon représentait un être, qui se distinguait de ses voisins par le plus petit degré de différence. À la perfection divine s’enchaînaient ainsi les archanges, puis les séraphins et les chérubins. Ces trois échelons angéliques étaient immédiatement suivis de ceux des humains, situés entre le divin et l’animal. En haut de la partie humaine de la chaîne se trouvaient les rois puis les seigneurs, suivis des paysans. Dans chaque famille, l’ordre descendait du père à la mère, aux garçons et enfin aux filles. Suivaient les animaux : les sauvages et les libres, les domestiques utiles, comme les chiens et les chats, puis les domestiques dociles, comme les moutons, suivis des insectes et des serpents. En haut de la partie végétale de la chaîne, les arbres, les plantes comestibles les plantes quelconques puis les champignons. Enfin les minéraux en commençant par les métaux, les roches, les sols fertiles, les sables et en dernier les déchets. La facture exacte de le scala naturae connut des variantes entre le Moyen Âge scolastique et la Renaissance.
Les alchimistes trouvèrent des moyens de la grimper moyennant une série de transformations de la matière et de l’esprit, menant d’un maillon à l’autre, du plomb à l’or, de l’humain au divin. Selon Robert Fludd, l’un de ces alchimistes, les étapes de la scala naturae correspondent aux différentes formes de prise de conscience chez l’homme, « qui va de la perception sensible à la compréhension profonde en passant par l’imagination et par l’entendement. Le dernier échelon correspond à l’appréhension directe de la parole divine dans la méditation. »
Il faut faire attention lors de cette escalade, car cela fait longtemps que cette chaîne est déchirée.