1.
La science est une forme majeure de la conscience collective.
2.
Par étymologie, la science est héritière du ciseau (les Anglais écrivent scisor), de l’art de scinder ou encore du schisme. Elle procède même du shit, c’est-à-dire à l’excrément qui se sépare du corps vivant.
3.
Un héritage empoisonné — attribué à tort à Auguste Comte — soude la notion de la science à celle de la vérité, et par là même à la notion de valeur. Toute activité humaine qui se veut « de valeur » s’empresse dès lors à prouver qu’elle est une science, et une foule d’héritiers se bouscule aux portes de la science : physiciens, mathématiciens, philosophes, géographes, architectes, ingénieurs, artistes contemporains.
Pourtant, la science n’est qu’un mode particulier de l’appréhension du monde, qui se démarque des autres modes par la construction de théories explicatives, portant en elles-mêmes les règles de leur réfutabilité empirique (dit sèchement mais bien Karl Popper).
4.
Il arrive que la science — dans une confusion avec l’ingénierie — se conçoive comme un art d’atteindre des objectifs ; il arrive même qu’on la croie capable d’en définir. Or, par définition, la science en est incapable : la science n’est pas une activité téléologique. Elle est une pratique « naturelle », dans le sens de la « croissance » (natura — φύσις) que recèle le mot « nature ». Les théories fomentent d’autres théories, le chercheur ne sait pas où il va — il s’appellerait sinon « trouveur ». Ses théories ne deviennent des « trouvailles » que lorsque l’ingénieur les rend utiles, ce qui peut motiver le chercheur car l’ingénieur vend et paie. L’ingénieur transforme la science en nourriture. L’art, dont les théories se passent de toute volonté d’expliquer, est la seule pratique à même de faire émerger les hypothèses théoriques de la science et les objectifs de l’ingénierie. Il est une pratique de mise en forme de la perception et du désir. Il dépend néanmoins de l’ingénierie pour se procurer ses outils.